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Histoire de Charles François Daubigny

Son enfance
Le 15 février 1817 Charles-François Daubigny nait à Paris.
 
Son père, Edme-François, est peintre décorateur et aime aussi brosser des paysages, à ses heures. Son oncle, Pierre, frère d’Edme-François, est aussi un artiste et exerce son talent de dessinateur, peintre et miniaturiste. Sa tante, Amélie, épouse de Pierre, est également miniaturiste. Tous trois ont suffisamment de talent pour être reconnus et avoir accès aux Salons.
 
Chez les Daubigny, habileté, talent  et courage journaliers se conjuguent. Aussi par ces temps de frugalité, la bonne humeur règne. Et ce cercle de famille formera une partie du caractère du petit Charles-François qui, dès son plus jeune âge, alors fragile de santé, est mis en nourrice à Valmondois, à la campagne, où il va rester jusqu'à l’âge de 9 ans. Il y apprendra à apprécier la nature.
 
De retour chez ses parents, à Paris, il fréquente l’école mais dès qu’il est un peu souffrant, on le garde à la maison. Baignant dans un monde artistique, sa grande distraction est de couvrir des feuilles de papiers de dessins d’enfant.  Au fil du temps, ses dessins vont s’affirmer et il devient bon dessinateur avant même de savoir bien écrire. Il délaisse petit à petit les bancs de l’école au profit de l’apprentissage par l’expérience de la vie.
Dès l’âge de quinze ans il s’affaire à  la petite décoration de boites à bonbons, coffrets à bijoux, fond de pendules et autres pieds de ventilateur, ce qui lui permet d’aider financièrement sa famille.

Père de Daubigny, Edme François - Photo d'Etienne Carjat
Père de Daubigny, Edme François - Photo d'Etienne Carjat 
L’indépendance et l’Italie
L'Italie
L'Italie
Passé dix sept ans, il décide de voler de ses propres ailes. Il trouve un logement qu’il partage avec son ami Henri Mignan, lui-même peintre. Il travaille dans les ateliers de restauration du Louvre, puis  participe à la restauration de tableaux au château de Versailles. Ainsi il peut mettre de côté un peu d’argent.
 
À l’aube de ses vingt ans il décide, avec son ami d’enfance, de casser leur tirelire commune destinée à financer un voyage; surpris de son contenu amassé pendant de nombreux mois ils vont pouvoir réaliser leur rêve : partir à la découverte de l’Italie.
 
Après un voyage plutôt éprouvant de quelques semaines, ils se retrouvent enfin à Rome, puis dans la campagne italienne. A la vue des paysages magnifiques, Charles-François Daubigny se conforte dans son envie de devenir paysagiste. Puis les mois passent à parcourir la campagne, à  fréquenter les musées italiens et à travailler sans relâche. Vient enfin le temps du retour, la cagnotte ayant quasiment totalement disparue. Il se fera à pied, bagages sur le dos, et durera deux mois. Ce sera pour lui l’occasion de découvrir de nouveaux paysages, notamment de montagne.

De retour à Paris Charles-François Daubigny vit plutôt bien des nombreuses illustrations qu’il fait dans les journaux, voire dans différents livres dont des manuels scolaires. Avec son beau-frère et son ami Victor Geoffroy-Dechaume, orfèvre et sculpteur, ils forment une sorte d’association et mettent en commun leurs ressources.

 
L’affirmation de l’Artiste
Alors qu’il a à peine plus de 20 ans, il expose une peinture « Vue de Paris et de l’Ile Saint-Louis » aux côtés de son père, au Salon de 1838. Puis il se met à la gravure et façonne ses premières eaux-fortes.  Six d’entre elles seront exposées au Salon.
 
Bien que s’étant déjà forgé une idée toute différente du classicisme par ses expériences de peinture sur le motif, Charles-François Daubigny fréquente les Beaux-arts et étudie dans l’atelier de Paul Delaroche, vers 1841. Ce dernier le prépare au concours du Prix de Rome. Charles-François parvient à être admis à la dernière épreuve. Malheureusement il  est disqualifié à cause d’un rendez-vous  administratif manqué, alors qu’il déjeunait avec un ami…
 
Charles-François Daubigny expose des eaux-fortes aux Salons de 1841 et 1845, ce qui lui permet de se faire connaître comme graveur.
 
En 1842, il épouse Marie-Sophie. Un an plus tard nait leur fille Cécile.
Ils s’installent alors à Fontainebleau et Charles-François peut maintenant travailler au cœur de la nature. Résidant à côté de Barbizon, célèbre pour son école, il peut s’y rendre souvent. Avec ses amis il aime planter son chevalet entre la forêt et les cours d’eau. Surnommé « le peintre de l’eau », étangs, rivières et bassins prennent une place importante dans ses œuvres puis en deviennent un élément primordial.

 
Retrouvant aussi cette ambiance aux alentours de Valmondois, Charles-François y vient de plus en plus souvent, car c’est plus proche de Paris, là où il a toujours son atelier. 
Eau forte : Vue de Subiaco - 60 km à l'est de Rome
Eau forte : Vue de Subiaco - 60 km à l'est de Rome
Un  Artiste reconnu
La moisson - Musée d'Orsay - Paris - France
La moisson - Musée d'Orsay - Paris - France
En 1846, vient au monde leur deuxième enfant Charles-Pierre. Il sera surnommé Karl.
 
En 1848, Charles-François reçoit une médaille de deuxième classe pour l’une de ses toiles exposées au Salon. Les médailles de première classe reviennent à Corot et Delacroix.
 
Puis il reçoit sa première commande de l’Etat : une eau-forte. Quelques années plus tard, en 1852, alors qu’il est de plus en plus remarqué au Salon, l’Etat lui achète deux toiles. L’une d’entre elles, « La Moisson », se trouve désormais au Musée d’Orsay.
 
Charles-François Daubigny fait alors fortuitement connaissance de Corot, qu’il ne connaissait que par son œuvre, et l’entente est immédiate bien que ce dernier soit de près de vingt années son aîné.
 
En 1853 Charles-François et Marie-Sophie on leur troisième enfant,  Bernard.
 
Récompensé par de nombreux prix et médailles Charles-François voit son œuvre de plus en  plus appréciée. Mais elle est aussi contestée par certains critiques qui la trouvent trop approximative.
Le Bateau-Atelier
En 1857, pour être encore plus près du motif et de l’eau qu’il aime tant représenter, Daubigny achète un bateau, qui jadis servait de bac :  le « Botin ». Il y fait aménager une cabane pour pouvoir s’y abriter et le cas échéant, y  dormir. Cela deviendra son Bateau-Atelier*.
 
Chaque été, il se rend à Auvers-sur-Oise, lieu paisible à quelques encablures de Valmondois, où il passa une partie de sa plus tendre enfance. Il fait de l’Ile de Vaux son principal port d’attache. Avec le « Botin » il parcourt les cours d’eaux et va même jusqu’à Honfleur. Karl, « le mousse », l’accompagne. Puis, après plusieurs séjours en Normandie sur la Côte Fleurie, il décide de revenir à Auvers-sur-Oise, pour s’y installer.
 
Sa notoriété s ‘affirme et Napoléon III lui achète sa toile « Etang de Gylieu »  reconnue comme pur chef-d’œuvre.  On est alors en 1860.
   
*Plusieurs années après, en 1873, Monet empruntera cette idée à Daubigny et il se fera également aménager un bateau-atelier.
Le Botin, esquisse
Le Botin, esquisse
Le premier foyer artistique d’Auvers-sur-Oise
La Maison-Atelier - Peinture de Léonide Bourges - Collection particulière
La Maison-Atelier - Peinture de Léonide Bourges - Collection particulière 
Cette même année (1860)  Charles-François Daubigny achète un terrain à Auvers pour y établir son « atelier à la campagne». Il s’intéresse de plus en plus aux jeux de lumière.
 
En 1861 le premier foyer artistique d’Auvers-sur-Oise sort de terre. La Maison-Atelier de Daubigny devient vite l’occasion de rencontres et de travail. Daubigny compte de nombreux élèves.

Aussi ses amis proches (Oudinot, Corot, Daumier, Geoffroy Dechaume …) parviennent-ils à le convaincre de décorer ce lieu magique et tout le monde s’y met. Corot, concepteur de la décoration de l’Atelier, y représentera des paysages d’Italie qu’il a aussi beaucoup aimés.

Au fil du temps le « Botin » prend de plus en plus l’eau, puis sa retraite. Il termine ses jours dans le jardin de la Maison-Atelier, comme buvette et abri. Il sera remplacé par le « Bottin », plus spacieux et mieux équipé pour la navigation. Cette nouvelle embarcation est  opérationnelle en 1868*. À ce moment Bernard devient le mousse, tandis que Karl est promu capitaine !

* Les maquettes des deux bateaux ont été confectionnées par le descendant de Charles-François, Daniel Raskin. Elles sont exposées de temps à autre à la Maison-Atelier de Daubigny

 


Le défenseur de l’art nouveau, et l’ami fidèle
Dès 1866, Charles-François Daubigny soutient - avec son ami Corot - les artistes de la nouvelle école, comme Cézanne et Renoir. Mais il ne parviendra pas à les faire admettre au Salon. Cette même année il se rend en Angleterre où il expose deux toiles à la « Royal Academy ».

En 1868, Charles-François Daubigny réussit à imposer Monet, Pissarro, Renoir, Degas, Sisley et Berthe Morisot, déclenchant la colère du surintendant des Beaux-arts. Monet et Sisley étant refusés aux Salons de 1869 et 1870, Daubigny suivi de son ami Corot démissionnent du jury.
 
Daubigny gagne l’Angleterre en 1870 pendant la guerre. Les nouvelles ne sont pas bonnes ; les artistes français réfugiés à Londres se trouvent plutôt dans la détresse. Daubigny, par chance, croise Monet et le tire d’affaire. Bientôt Pissarro trouvera lui aussi du réconfort. Le marchand d’art, Durand Ruel, parviendra en effet à vendre quelques unes de ses toiles.
 
A la fin de la guerre de 1870, la famille Daubigny regagne la France et séjourne dans différentes communes avant de rejoindre Paris.
Le Salon, suspendu pendant la guerre, reprend et Charles-François Daubigny y expose deux toiles qui y seront vendues.


Après un voyage en Hollande en 1871, il accueille Monet et Pissarro à bras ouverts dans sa maison d'Auvers-sur-Oise, ainsi que d'autres jeunes talents, comme Cézanne arrivé à Auvers en 1872.
 


Claude Monet - Wikipedia
Claude Monet - Wikipedia
"C'est grâce à Daubigny et à Durand Ruel que plusieurs amis et moi-même ne sommes pas morts de faim, sur le pavé de Londres, en 1870: ce sont des choses que l'on n'oublie pas."

     Claude MONET, lettre à Moreau-Nélaton, 1924.
Les dernières années
La Neige, Musée d'Orsay - Paris - France
La Neige, Musée d'Orsay - Paris - France
Lors du Salon en 1873 Daubigny obtient un grand prix grâce à sa toile « la Neige » aujourd’hui au Musée d’Orsay, malgré des critiques assez dures. Ces critiques font penser à celles proférées quelques années plus tard à l’encontre des Impressionnistes. Aujourd’hui, on considère Daubigny comme étant le précurseur majeur de ce mouvement qu’est l’impressionnisme.

“ …Je citerai un autre tableau de Daubigny, la Neige, qui était à l’exposition de peinture de 1872. On ne saurait rien imaginer de plus simple et en même temps de plus large. Les champs sont blancs de neige ; un chemin les traverse, bordé à droite et à gauche de pommiers aux branches noueuses. Et sur cette nappe blanche, sur les champs et sur les arbres, toute une énorme volée de corbeaux s’est abattue, des points noirs, immobiles et tournoyants. L’hiver tout entier est là devant nous. De ma vie, je n’ai rien vu de plus mélancolique ; le pinceau de Daubigny, délicat plutôt que puissant, a acquis cette fois-ci une force exceptionnelle pour rendre la vue morne de nos plaines en décembre. ”
                                                                Emile Zola

Sa disparition
Les années passant, il a des ennuis de santé. Pour autant il n’abandonne pas ses escapades à bord du « Bottin ». De retour à Auvers-sur-Oise il achète une autre maison, près de la gare, mais n’y vivra jamais.

De plus en plus fatigué, il entreprend une dernière croisière en compagnie de ses deux fils, en direction de Rouen. Il revient auprès de ses amis à Auvers et l’hiver arrivant, il travaille dans son atelier de Paris.

Pris d’un malaise cardiaque, il décède le 19 février 1878.

Enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris, il repose auprès de Corot, son ami de toujours. Geoffroy-Dechaume sculpte dans le marbre son buste qui orne toujours sa tombe. Daumier n’est pas très loin d’eux. Ils avaient exprimé l ‘envie d’être enterrés proches les un des autres pour pouvoir continuer à rire ensemble …
"L'oncle m'a dit que Daubigny est mort. Cela m'a fait de la peine, je l'avoue sans honte,…Ce doit être une bonne chose d'avoir conscience en mourant d'avoir fait des choses vraiment bonnes, de savoir que, grâce à cela on restera vivant dans la mémoire d'au moins quelques-uns, et de laisser un bon exemple à ceux qui nous suivent."

            Vincent Van GOGH, lettre àThéo, 1878.
Caveau de Daubigny (à droite), à côté de Corot. Cimetière du Père Lachaise - Paris - France
Caveau de Daubigny (à droite), à côté de Corot. Cimetière du Père Lachaise - Paris - France